donc, je voulais vous parler de quelque chose et j'hésitais à le faire parce que franchement je suis mal placée pour en parler, oui mais voilà je le ressens aussi alors je vais en parler.
l'autre jour je vous parlais de mon reflet dans la porte de la cuisine. ce reflet est plutôt joli, mince, svelte, rien à dire ou presque. je m'entends bien avec cette fille-là, celle qui vit dans
le miroir. je lui offre des vêtements, je la maquille, je la nourris, je la coiffe, je la respecte. oui mais... autant j'apprécie ce reflet dans le miroir autant il n'est pas "moi". le "moi" que
j'ai dans la tête.
j'ai souvent entendu maman d'unicks dire qu'elle ne se reconnaissait pas dans le miroir, que dans sa tête elle avait toujours l'image de celle qu'elle était à 20 ans (et pour que vous vous
rendiez compte, je n'ai jamais réussi à rentrer dans sa robe de mariée, c'est vous dire si c'était un petit gabarit). je comprenais ce qu'elle voulait mais jamais je n'aurais pensé que je le
vivrais aussi.
pourtant je n'ai pas pris beaucoup de poids. en toute honnêteté, suite à la dernière pesée (et je n'ajouterai pas l'excuse des hormones même si effectivement je me suis pesée à la veille de mes
règles), il y a 7 kilos en plus sur ma balance qu'il y a 6 ans. oui, c'est la faute au géant, nananèreuh. en gros les 3 premiers kilos se sont greffés dans les 6 premiers mois, amour, changement
de régime (apéro bonjour, vinasse bonjour, bière bonjour). les 4 autres se sont insinués sournoisement les années suivantes.
7 kilos. ce n'est absolument rien étant donné que mon poids est toujours idéal (en fait j'ai tip-top le poids qu'il faut pour ma taille), IMC parfaitement normal (manquerait plus que ça) et
taille 40 inchangée (puisqu'avant je faisais plutôt un 39 et maintenant un 41). je suis bien loin de ces filles qui prennent 10 kilos en 1 an ou 2 (voire même parfois par an).
et pourtant. je ne me reconnais pas partout. mes bras et mes mains sont toujours les miens. de mes genoux à mes pieds c'est toujours bien moi aussi. des fesses aux genoux ce n'est plus moi mais
j'aime mieux (même si j'aimerais que mes cuisses ne se touchent pas, comme quoi ce n'est pas le "privilège" des grosses d'avoir les cuisses qui se touchent). il faut dire que les jambes de
sauterelles ce n'est pas joli.
ce que je ne reconnais pas c'est entre les yeux et la taille. ça manque d'os. mes os me manquent. mes pommettes, mes clavicules, mes côtes surtout.
l'autre jour je suis tombée sur un reportage sur les "pro-ana", ces filles qui sont fières de s'affamer pour ressembler à des squelettes. une de ces filles a été suivie pendant un mois. une
poignée de céréales le matin, un coca (light) à midi et je ne sais plus quoi le soir (probablement rien d'ailleurs), c'est tout ce qu'elle mangeait. l'avant-après était édifiant et je me suis
prise à l'envier. à envier ses os.
honnêtement, si je n'étais pas si irascible quand j'ai faim, je ne mangerais rien de la journée juste dans l'espoir de retrouver mes os.
heureusement, je ne suis pas comme ces filles, j'aime manger, j'aime faire à manger et surtout je m'aime. je ne veux pas me faire de mal. je ne veux pas me priver.
je fais attention à ce que je mange 5 jours par semaine. et ça fonctionne. sur le géant... moi je ne bouge pas d'un poil. j'en suis venue à me dire que j'avais atteint mon poids de femme adulte.
et le reflet dans la porte de cuisine me dit que je n'ai pas à me plaindre...
mes os me manquent quand même. je ne suis pas prête à en faire le deuil.